L'herboristerie contemporaine est soumise aux lois naturelles et aux conditions temporelles et culturelles de notre environnement. Une tendance actuelle consiste à extraire et à concentrer certaines molécules. Explorons brièvement ce phénomène !
En premier lieu, il s'agit peut-être d'une approche mécaniste qui a porté ses fruits en généralisant la méthode scientifique en médecine, mais qui a également abouti à des impasses. Il est tentant de penser que certaines molécules peuvent modifier profondément le terrain et donc de guérir si tel est l’objectif, mais soulager n’est pas guérir. Néanmoins, certaines molécules isolées peuvent être extrêmement efficaces pour soulager selon les cas.
Actuellement, nous sommes en train d'expérimenter ces limites mécanistes dans tous les domaines, y compris en médecine. Il semble que ces impasses ne puissent être dépassées que par un recadrage large et minutieux des situations et des phénomènes considérés.
Tout dans ce monde est le résultat d’un temps long de coévolution, d’une danse entre les éléments, les organismes, les conditions, les énergies, les vibrations, où le visible se mêle à l’invisible.
Les plantes sont également soumises à cette coévolution complexe. Comme nous, elles sont portées par une quantité de dimensions, de composés et de composants liés de manière encore mystérieuse. Comme nous, elles vibrent de manière spécifique, comme nous, elles sont faites d'une infinité de particules, de lumière et de dimensions et systèmes variés.
Comment dans cette complexité holistique, penser qu’une seule molécule va exprimer de manière réaliste ce que nous sommes ou ce qu’est une plante, ce qu’elle peut faire, ou ce que l’on peut faire ensemble.
Même si certaines molécules de plantes isolées et concentrées apportent certains bénéfices, elles sont efficaces sur une partie infime de ce que cette plante entière « sait » faire, parfois de manière intense et rapide. Ceci peut être intéressant voir salutaire quand il s’agit de crise aigüe, d’urgence infectieuse, de douleurs, de risque vital, mais la plupart du temps, on attribut à ces molécules la capacité de guérir, ce qui n’est pourtant que rarement le cas.
La complexité nutritionnelle et médicinale d'une plante est faite de milliers de composés, souvent des métabolites secondaires, des minéraux, des acides aminés, des vitamines. Et tous ont été produits par la plante pour assurer ses besoins végétatifs, de reproduction, de protection et d’adaptation.
Chacun de ces constituants et pas seulement les particules qui les constituent participent à la complexité holistique du visible et de l’invisible mentionnée plus haut.
Tous ces composants sont une expression d'une richesse de cohérence qui permet à la vie de se propager et de se maintenir grâce à des stratégies multiples dans des conditions variées.
Cela implique que tel minéral, lactone ou terpène ne sera peut-être pas présent dans une plante une année particulière et que néanmoins la plante se développera de manière harmonieuse et satisfaisante, donc qu’elle contiendra néanmoins l’équipement lui permettant cette croissance.
Ce principe peut être résumé sous la forme connue en permaculture de multi fonctionnalité, où chaque élément est multi fonctionnel et où chaque fonction est assumée par un grand nombre d’éléments.
Dans le totum d’une plante, c’est-à-dire dans son ensemble, cette multi fonctionnalité s’opère grâce à la richesse des éléments et des processus qui la constitue. Si on enlève par exemple un constituant thérapeutique reconnu tel que la curcumine du curcumin, la plante sera encore anti inflammatoire, anti fongique, anti oxydante, anti cancer, relaxante, tonique, antalgique etc…
Donc l’efficacité est ailleurs que dans cette molécule unique souvent extraite et concentrée dans certains suppléments alimentaires ou médicaments. On peut même enlever plusieurs constituants connus et toujours avoir des effets similaires à la plante entière.
Le corolaire est vrai aussi, si on prend un de ces constituants qui va avoir certains effets que l’on mesure, puis que l’on y ajoute un deuxième constituant qui a seul d’autres effets connus et mesurés, on obtient une efficacité accrue pour les 2 effets étudiés plus d’autres effets thérapeutiques qui s’ajoutent aux 2 premiers.
C’est l’effet de synergie et peut être résumé par « le tout est plus que la somme des parties ». Multiplié par des centaines ou des milliers de constituants et de molécules différentes dans le totum d’une plante, on aboutit à une complexité et un potentiel d’affinité avec certains organes ou processus physiologiques ou tropisme, que l’on n’est pas encore capable d’évaluer en détail.
A ce point, l’humilité doit être le guide et de la même facon que l’on n’est pas capable de manière scientifique de faire le bilan complet de ce qui constitue une plante ou tout autre organisme, on devrait considérer que tout ce que nous ne connaissons pas encore a aussi plusieurs fonctions et que par respect pour la création, admettre que tout cela n’est pas là par hasard.
Les exemples d’effets complexes de ces capacités étonnantes des plantes sont nombreux, et ne peuvent tous être citées ici, mais pour n’en citer que deux : l’agripaume cardiaque est capable d’adapter ses talents de régulateur hormonal à l’âge et à la situation hormonale de la femme qui la consomme, ce qui est une qualité adaptogène de cette plante qui n’est pourtant pas classifiée comme telle.
En parlant d’adaptogène, ces plantes ont généralement des vertus régulatrices et adaptatives pour qui les consomme, ce qui encore une fois est fascinant et qu’aucune molécule isolée fut elle médicale ne sait faire. La fameuse ashwagandha est un autre exemple caractéristique de cette capacité des plantes à adapter ce qu’elles donnent selon sa complexe matrice de vertus tous azimuts touchant aussi bien, le métabolisme, la vitalité, le mental, le neurologique, le physique et le spirituel.
Les grandes traditions avec leurs milliers d’années d’études, de recherches et d’essais et erreurs ont pour l’instant la compréhension la plus complète de cette richesse et cette complexité ou du moins l’expérience de cette humilité en théorisant des principes intégrateurs plus grands que ce que l’on ne perçoit des détails.
L’utilisation millénaire des plantes médicinales et des nourritures naturelles nous ont appris que dans chacune d’entre elles, sont à l’œuvre des principes et des dynamiques allant dans un sens, d’autres allant dans l’autre sens, et ce dans un grand nombre de directions, d’autres encore qui vont mitiger certaines vertus, d’autres qui vont condenser ou bien adoucir, élargir ou approfondir leurs influences, etc… rendant les plantes très assimilables, à spectre large, généreuses, faciles, modulatrices, nourrissantes, très rarement toxiques et surtout rééducatrices de nos fonctions physiologiques.
Et pour moi, dans ce domaine, rien ne vaut une bonne tisane ou une gélule de plantes entières.
Références :
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